Rando ski en Vanoise

Posted on: jeu 13/02/2020 - 10:59 By: Minus

Mardi 11 février 2020. Le vent a soufflé toute la nuit, rabattant la neige contre l'entrée et les fenêtres du refuge. On ne peut plus sortir, il fait froid, et j'ai envie d'aller faire pipi...

Comment en sommes-nous arrivés là ?

Si je me souviens bien, chouchou avait dû m'en parler il y a quelques mois : "Tiens, je ferais bien une rando itinérante à ski. Genre la traversée des dômes de la Vanoise.. Ou la traversée de Belledonne... Tu sais, avec nuits en cabane ?!", et j'avais dû répondre distraitement "Mhm.. oui oui..". On était en août, c'était loin. Mais lui, paf, il était parti dans l'organisation, à fond. Je suis fort heureusement intervenue à un moment donné pour lui rapeler que vu ma constitution fragile, il ne fallait pas prévoir 15 jours de raid, mais plutôt 5, merci, déjà 3 jours de ski de suite, ça me fatigue, donc en condition "nuits en cabane humide" va savoir si je vais déjà tenir 2 jours... "Ah ? ... T'es sûre ?". Bah oui je suis sûre. Donc au final il avait prévu une boucle de 6jours, raccourcissable en 5 si besoin (comprendre, s'il doit trainer bobonne pour la faire avancer).
Là dessus, Cécile (de Cécile & Julien, mais pas les parents d'Antonin, les parents de Malia et Hugo, tu vois ?) nous annonce qu'ils passent une semaine de vacances à Pralognan au moment de notre raid. Chic ! On pourra aller boire un coup ensemble à la fin de notre raid !

Dimanche 9 février, jour 1, 8h, la voiture (Frog) est chargée, nous sommes prêts à partir. ... Mais pas Frog, qui refuse de démarrer. Chouchou la branche sur Baïkal (la moto), mais ça ne suffit pas, elle ne veut pas. "Partir me cailler les miches 6 jours dans la neige en attendant la fin de votre rando, non merci ! " dit-elle. Du coup, on va sonner chez Francis (notre voisin préféré), pour tester avec le moteur de sa voiture, et bim, ça part. Youhou !
11h on quitte le parking de Pralognan, moi avec mon sac de 13kg sur le dos, lui avec son sac de 26kg (il porte la bouffe, je porte les cuillères, répartition équitable). On traverse la zone de ski de fond, on y croise Cécile ! Elle nous dit qu'ajourd'hui risque d'être notre meilleure journée en termes de météo. Ah oui, tiens, la météo, c'est vrai que ça peut jouer.. Et on avance. On avance on avance on avance... C'est quasiment plat, c'est la route enneignée jusqu'au refuge du roc de la pêche. Là, on fait une pause, on a mal aux pieds, nos chaussures nous font souffrir pour la première fois depuis 7 ans ?! Puis, il n'y a plus de route, on suit les traces à flanc de montagne, les chevilles tordues, les ampoules qui frottent, les skis qui glissent vers le ravin, le même genou mis à contribution, pas une couversion, pas un changement de côté pour l'alléger, toujours le ravin à gauche, la pente à droite, et c'est tout droit pendant 3h, c'est chiant à mourir. Le pic derrière lequel se trouve le refuge Peclet-Polset ne se rapproche pas, c'est limite s'il ne s'éloigne pas à chacun de nos pas.
Enfin, à 18h, on s'engouffre dans le refuge d'hiver.

Ampoules

Aïe

Fenetre j1

Fenêtre dégagée

Lundi, jour 2.
On a entendu les rafales toute la nuit. On ne voit plus l'aiguille de Polset qu'on était censé faire aujourd'hui.

Fenetre j2

Fenetre à moitié bouchée

En sortant pisser, je vois que les rafales sont supportables, ça fait plus de bruit que de froid. On déjeune, et on décide de passer le col d'Aussois pour avancer sur la boucle. Hop, c'est reparti pour arnacher les sacs sur nos pauvres dos endoloris (le problème avec notre répartition équitable des charges, c'est que mon sac fera toujours 13kg, pendant que celui de chouchou s'allégera repas après repas). On avance dans le souffle du vent, ça donne chaud, tout va bien. Plus on monte en altitude, plus les rafales se font violentes. On doit s'arrêter le temps qu'elles passent, pour bien se camper sur ses bâtons et tenir debout. Mais je tombe quand même. Je reste dans la trace de chouchou, tout va bien, tant qu'il n'est pas plus de 5m devant moi, je le vois. Quant au reste, on ne voit rien. Tout est blanc. Un blanc continu entre le sol et le ciel, entre les trous et les bosses. Tu vois le bout de ton ski, et en fonction, tu sais si tu es sur une butte, sur du plat, ou sur une descente. Ça souffle tellement que tu ne sais même plus si tu avances, si tu es à l'arrêt ou si tu recules. Mon seul repère, c'est le point flou rouge et noir devant moi, que je vois par intermittence, entre 2 passages de tornade de neige. Lorsque je tombe, je crie pour l'appeler, mais même s'il n'est que un mètre devant, il ne peut rien entendre. Toutes mes forces sont concentrées pour tenir bon face aux rafales et ne pas être basculée dans le ravin. Je ne pense à rien d'autre. Alors quand chouchou me dit (m'hurle dans la tempête) "On n'avance plus là, on fait demi-tour et on retourne au refuge ?". Je me dis qu'on doit être dans une sacrée galère pour qu'il me propose un truc pareil. On se cale contre un rocher pour avoir un semblant d'abri face au vent. On va dépeauter. Donc je dois sortir mon sac à peaux. Donc je dois retirer mon sur-sac-à-dos. Je le tiens d'une main, de l'autre j'ouvre mon sac-à-dos, j'attrape le sac-à-peaux, je le cale contre ma grosse aisselle le temps de refermer le sac à dos, et là, pendant que je manoeuvre, voilà que mon sac-à-peaux s'échappe, et que je le vois courir loin devant moi. Aaaaaaaaaaaaaaah ! Je m'élance à sa poursuite. Il galope devant, emporté loin, rafale après rafale. Il disparaît derrière l'arête. Je cours jusqu'à l'arête (heureusement, la neige était dure). Et je ne vois rien derrière. Pas de point bleu dans cette immensité blanche parsemée de rochers. Chouchou me rejoint, il va voir plus loin, pendant que je retourne au rocher, luttant contre le vent de face qui fouette le visage de son souffle glacial chargé de neige en cristaux.
Je m'affaire sur mes peaux et mon sac. J'ai mon bonnet, mes capuches, mon masque, ma vue et mon ouïe sont très restreintes. Il y a mes skis, mon sac et moi. Le reste m'est inconnu. Il me semble que chouchou râle. Il hurle. Puis il vient m'aider à mettre mes skis. Je vois que lui n'en a plus qu'un. Le vent lui a arraché l'autre. "Ah bah du coup l'itinérance va s'arrêter là ?! Il ne peut pas continuer avec un seul ski ?!" me dis-je joyeusement. Et le voilà, un seul ski au pied, 25kg sur le dos, des rafales dans tous les sens, la neige alternant entre glace et poudre, à descendre à la recherche de son ski volé. Et moi je me dis "waaah, comme il est fort chouchou!!", tout en luttant pour descendre. Je ne maîtrise pas vraiment ma direction, le vent et la pente décident pour moi sans que je ne comprenne rien. Je ne sais pas faire de virage, le sac ballotant sur le dos me déséquilibre. Est-ce la neige sous moi qui se décroche ? Le vent qui me souffle dans le dos ? Est-ce la pente qui fait que je glisse ? Aucune idée. J'essaye juste de repérer quelque part un ski orange, ou un sac bleu. Tout en gardant la direction du refuge en vue. Merde. Je suis au-dessus d'une barre rocheuse. Va falloir contourner pour passer. Ça ne marrange pas, je voulais rester à flanc le plus possible pour ne pas avoir trop à remonter. Mes forces s'épuisent. On trouve le passage pour contourner la barre, et là, dessous, je vois le ski de chouchou planté dans la neige ! Il est en un seul morceau ! Ouf. Il rechausse, et on glisse jusqu'au bas de la pente à remonter. On repeaute, et le vent dans le dos nous permet quasiment de remonter droit dans la pente ! Sympa ! Si tu pouvais me ramener mon sac à peaux aussi... Enfin, le refuge semble atteignable, on est sauvé. Les affaires sont humides, malgré le sur-sac-à-dos. On les étale dans la cabane, mais sans chauffage, aucune chance que ça sèche. On savoure notre chance d'être à l'abris du vent, et en vie. Je gagne au qwirkle, on dîne, et on se couche.

Mardi, jour 3.
Le vent ne s'est jamais calmé. Il fait quasiment nuit dans le refuge, les fenêtres obsturées par la neige rabattue contre la cabane. Impossible de sortir.

Fenetre j3

Fenêtre au 3/4 bouchée

Entrée bouchée

Entrée bouchée

On déjeune, puis on pellete. Au moins, ça réchauffe.

Entrée débouchée

Entrée débouchée

Il est d'avis d'attendre demain pour passer le col d'Aussois, en espérant que la tempête sera calmée. Je suis d'avis que si on passe le col, on risque de se retrouver coincé de l'autre côté sans jamais pouvoir rentrer si la tempête revient. Hier nous a épargnés, ça ne veut pas dire qu'on peut rejouer chaque jour. On se casse d'ici chouchou.
Bien. Alors on mange notre ration du jour de pollenta/noisettes/tomates séchées/comté/huile d'olive, et on sort dans le vent. J'ai 2mm de peau découverte entre le haut du masque et le bas de la capuche. Une rafale et je sens ma peau qui gèle, mon crâne qui souffre. Manquerait plus que je me chope une migraine pendant que ma peau du front se nécrose. Mais je ne peux pas réajuster mon masque, j'ai besoin de garder mes mains sur mes bâtons pour tenir l'équilibre. On avance. On reste à flanc, c'est tout droit. Chouchou pousse sur les bâtons, et moi j'arrive à glisser dans sa trace damée par ses 100kg. On passe le refuge du roc de la pêche, on traverse la rivière, et on pensait que ça descendrait tout seul, mais en fait non. Ça ne glisse pas. On s'enfonce dans les 30cm de poudre. Il faut toujours pousser sur les bâtons. Chouchou hurle son bonheur au ciel et à la terre, aux arbres et aux rivières. Le ski de fond, c'est sa passion... Un moment il y a 3 lacets, on arrive à faire 4 virages en les coupant. Voilà, c'était notre seule descente sur 3 jours...
Enfin, on atteint Frog, recouverte de neige, stoïque. Je mets un message à Cécile, on décharge notre barda, et on attend sa réponse dans la voiture. Chouchou tente de démarrer, elle ne veut pas. "Je vous avais prévenus", dit-elle. Bon, allons se poser dans un café en attendant de voir si Cécile répond. On se prend une bière, un chocolat chaud et des gauffres au chocolat :) Bon, elle ne répond pas, on va la chercher dans son centre de vacances ? De toute façon, il faudra qu'on trouve quelqu'un pour nous aider à démarrer. Dans le centre de vacances, à l'acceuil, il y a Gaël et ses yeux bleus, qui nous confirme que la clef de leur chambre n'est pas là, donc ils sont rentrés. Effectivement, voilà Cécile et ses parents ! On boit un verre, on discute, c'est dommage d'être redescendus maintenant parce qu'il fait beau dès demain. D'ailleurs on va faire une rando jusqu'au col de la Vanoise, vous ne voulez pas venir ? Moi, j'ai juste envie de sec et de dormir. Chouchou s'en fout, il l'a déjà faite cette rando, et ya pas de vraie pente dedans. L'envie de faire une rando avec eux l'emporte, et paf, on claque 200 boules pour passer une nuit dans le centre, on ne se refuse rien, on est vivant.
On peut se doucher, et on peut même regarder la télé !! Youp youp !

Chambre hotel

On étale tout pour que ça séche...

Mercredi, jour 4.
Très chouette rando sous le soleil et dans la poudre :)

Col vanoise

pano

(photos de Julien)

Rentrés au centre, Julien va nous aider à démarrer Frog.
Donc on aide Julien à sortir sa voiture bloquée dans la glace et la neige.
Puis on la branche à Frog, que ça laisse de marbre. "Rien à péter, je reste ici". Dit-elle.
Idée d'ingénieurs, ils poussent Frog sur le parking un peu en pente, et moi en seconde, je dois voir si elle démarre. Peine perdue. Je suis d'avis d'appeler la gmf, comme quand Xéna (ah, soupir, notre chère Xéna) nous a quittés. Ils nous envoient un tacos, et on rentre à la maison. On va d'abord tenter un autre truc, on pousse Frog dans la grosse pente de la route. Euh.. La route avec la circulation et les groupes d'enfants ?? Jeter Frog sur la route gelée, sans moteur allumé ?! Sans moi les mecs ! Enfin, sans moi dedans, je préfère pousser. Et voilà Julien et moi qui propulsons Frog & chouchou sur la grand route. Et voilà la petite saxo verte qui descend, qui descend, et qui disparaît dans le virage. Je marche à sa suite. Julien va récupérer sa voiture, et au moment où il arrive à ma hauteur, voilà Frog qui revient ! Elle roule ! Youhou ! Je saute dedans, et on serre les fesses tout le trajet pour ne pas qu'elle cale.

 

Commentaires

Perdu.

Envolé, disparu, volé.

:'(

En attendant qu'Éole me le rapporte, chouchou m'a filé celui de Thibault, qu'il avait trouvé dans la montagne. Sauf que dans le sac-à-peaux-de-Thibault, ya pas les filets... :-(

Wouuuuah quelle aventure! Mais pourquoi Frog n'a pas démarré? 

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